Décryptage
28 Février 2018
Remettre le projet de territoire au cœur de l’action sociale
Initiées lors de la précédente Convention d’objectifs et de gestion (Cog), les Conventions territoriales globales (Ctg) ont vocation à être généralisées sur la Cog 2018-2022. Pour revenir sur la vocation première de cette démarche partenariale, nous avons rencontré Rémi Ghezzi, responsable adjoint du département enfance, jeunesse et parentalité de la Cnaf, en charge de son pilotage.
Rémi Ghezzi, pouvez-vous nous expliquer ce qu’est une Convention territoriale globale ?
Rémi Ghezzi : Une Convention territoriale globale (Ctg) est d’abord une démarche qui consolide un projet de territoire sur quatre ans au travers d’une convention partenariale. Elle est le fruit d’un travail commun entre un territoire et la Caf, afin de mobiliser pleinement et en complémentarité les ressources et compétences de chacun. La Ctg se traduit par des engagements réciproques sur le champ des politiques publiques accompagnées et financées par les Caf. C’est un temps de réflexion politique en fonction des besoins du territoire : par exemple en matière d’accueil du jeune enfant, d’insertion ou d’accès aux droits. Concrètement, il faut d’abord se positionner sur un diagnostic partagé avant de se fixer des objectifs qui aboutiront à un plan d’actions. La Ctg est un mécanisme souple qui permet aussi à la Caf de proposer un accompagnement complémentaire et adapté en matière d’ingénierie ou d’information pour aider à la décision et en tenant compte des enjeux de chaque territoire. La durée à privilégier pour une Ctg est de quatre ans : elle permet de mettre en œuvre des actions et d’en mesurer l’efficacité.
Qui sont les partenaires impliqués dans cette démarche ?
RG : La démarche Ctg est directement liée au nouveau contexte législatif* qui a notamment renforcé les compétences des intercommunalités. Et puisque l’intérêt de la Ctg est de s’adapter aux spécificités d’un bassin de vie, les deux principaux partenaires en sont la Caf et la collectivité territoriale, c’est-à-dire une communauté de communes, une commune ou une métropole selon les cas. Pour la réussite de la démarche, il est utile d’associer à cette réflexion les autres acteurs locaux: conseil départemental, services de l’État, Mutualité sociale agricole, associations, gestionnaires d’établissements… En somme, l’ensemble des forces vives agissant sur le territoire.
Quels exemples pouvez-vous nous donner ?
RG : Chaque Ctg est différente puisqu’elle s’appuie sur les particularités du territoire et implique les acteurs associés. Par exemple, celle signée avec la ville d’Amiens et le Ccas s’appuie sur un état des lieux particulièrement précis. Elle vise à la fois l’accueil des jeunes enfants, notamment ceux en situation de handicap, mais aussi l’insertion et l’aide à l’emploi avec un « espace de co-working ». La Caf et la collectivité s’engagent dans ce cadre à mobiliser conjointement leurs moyens humains et financiers dans le cadre d’un plan d’actions et d’une programmation qui ciblent des actions et des territoires prioritaires. Pour l’agglomération autour de Tain l’Hermitage/Tournon, les deux Caf d’Ardèche et de la Drôme se sont associées pour signer une Ctg. Celle-ci couvre bien évidemment les missions de la Branche - accueil du public, services aux familles, accompagnement à la parentalité - mais aussi un volet sur l’autonomie des séniors. Avec la ville de Mana en Guyane, le travail autour de la Ctg a abouti à un projet social de territoire avec des fiches actions très détaillées quant aux objectifs, moyens et pilotes.
Pour conclure, quel bilan peut être tiré des premières Ctg ?
RG : Sur le plan quantitatif, 222 Ctg locales étaient signées au 31 décembre 2017. Notre objectif est d’aboutir, d’ici la fin de la prochaine Cog, à une Ctg pour chaque intercommunalité. L’enjeu est de couvrir les territoires en privilégiant une maille territoriale suffisante permettant de disposer d’une assise financière pour mettre en œuvre un projet de territoire ambitieux. La tension des moyens, les réflexions autour des transferts de compétences sur les nouveaux échelons intercommunaux ainsi que la nécessité de pérenniser et d’adapter les offres de services nous demandent, plus que jamais, de faire jouer les complémentarités et de produire les changements dont les territoires ont besoin.
Sur le plan qualitatif, il est un peu tôt pour dresser un bilan précis : une évaluation est actuellement en cours et sera finalisée dans l’année. Les premiers éléments font cependant apparaitre que la quasi-totalité des Ctg (217) prennent en compte entre cinq et huit thématiques : enfance, jeunesse, parentalité, vie sociale, accès aux droits, logement, précarité, autonomie. Pour les collectivités, il apparaît que cette démarche replace la volonté politique au cœur des échanges et de mettre tous les acteurs du territoire autour de la table pour en discuter. Pour les habitants, les retombées seront perceptibles à moyen terme au travers du développement des services, du renforcement de la qualité et de la diversification des offres. La démarche contribue également à une plus grande équité en matière d’accès aux services. Une Ctg a la capacité de mobiliser l’ensemble des acteurs et les familles en font, bien entendu, partie. La Ctg est donc une démarche de coopération performante qui offre une traduction concrète et opérationnelle aux différentes politiques publiques sur le territoire. En s’appuyant sur l’ensemble des acteurs, elle mobilise l’ensemble des ressources disponibles, ouvre de nouvelles perspectives d’actions et évite le gaspillage et l’application en silo.
*loi MAPTAM du 27 janvier 2014, portant sur la modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles et loi NOTRe du 7 août 2015, portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République
Propos recueillis par Camille Jaunet
Vincent Mazauric, directeur général de @cnaf_actus, au sujet de la Ctg entre la Caf et la @VilleSaintDenis : « C’est un beau symbole de la qualité du travail de tous nos agents de notre branche »
Les Conventions territoriales globales formalisent donc des actions concrètes, qui seront visibles par les habitants du territoire concerné. Elles sont le fruit d’une démarche volontariste entre partenaires du dit territoire. Exemple avec les Ctg signées par deux Caf.
La Caf de Loire-Atlantique signe sa première convention territoriale globale
« Le principe de la convention territoriale globale (Ctg), c’est de construire, pour les familles d’un même territoire, une offre de services simplifiée et décloisonnée sur les thèmes de la petite enfance, de l’enfance, de la jeunesse, de l’habitat ou encore de l’accès aux droits, témoignent Aurélie Monfort et Vincent Robin, conseillers techniques à la Caf de Loire-Atlantique. L’idée, c’est de se coordonner avec tous les acteurs, structures et services d’un territoire pour proposer une offre complète et faciliter la vie des habitants. » Tout commence par un diagnostic partagé entre la Caf et ses partenaires, qui aboutit ensuite à un plan d’actions pour une période de quatre ans. « L’offre de services peut ainsi se décliner et s’enrichir dans le temps », indique Aurélie Monfort.
La Ctg de Nozay
« Fin 2016, la Communauté de Communes de Nozay a obtenu une aide de l’État pour élaborer un projet de développement péri-urbain, témoigne Thierry Roger, élu en charge des Solidarités. Début 2017, la Caf de Loire-Atlantique a proposé d’expérimenter le projet de convention territoriale globale. Notre projet de territoire coïncidait avec l’expérimentation proposée par la Caf. On s’est lancé dans l’aventure ! » Cette convention réunit la Caf de Loire-Atlantique, la Communauté de communes de Nozay et la Mutualité sociale agricole Loire-Atlantique-Vendée. « On a créé un réseau de travail partenarial, en intégrant également les associations dans la démarche », poursuit Thierry Roger. Un travail collectif est engagé pour proposer un service plus accessible aux familles.

Au service des territoires
« Avec près de 30 % d’habitants entre 0 et 18 ans, la priorité a été de repenser l’accueil des enfants et l’offre jeunesse », précise Thierry Roger. Une offre complète pour la petite-enfance a été réfléchie. En plus des deux établissements d’accueil existants, un établissement multi-accueil est en cours de construction. La capacité d’accueil va ainsi passer de 42 à 50 places. Autre exemple : l’ouverture d’un Laep pour les enfants de 6 à 12 ans en complément de celui ouvert en 2017 pour les 0 - 5 ans.
Blois, première ville de Loir-et-Cher signataire d’une Ctg
« Notre collaboration avec la Caf est ancienne, des élus y ont beaucoup travaillé dès notre première mandature » a confirmé Marc Gricourt, maire de Blois.
« La Convention, mise en place pour la période 2018-2021, contient 4 axes prioritaires, retenus parmi une liste d’une dizaine qui émergeait du diagnostic. Ce sont les élus de la ville de Blois qui ont déterminé ces axes, après consultation et avis de la Caf. Il s’agit donc de la jeunesse, la parentalité, la précarité et le vivre ensemble » précise Thomas Hémeray, conseiller technique Caf.
Hubert Armand, président de la Caf, a dit son émotion de signer cette première convention « qui n’est que le début d’un travail entre les acteurs du territoire pour permettre aux habitants de vivre mieux leur quotidien ».

Maintenant, le travail continue : un groupe projet, composé du directeur général adjoint et des chefs de services de la Ville ainsi que de deux conseillers techniques de la Caf, travaille notamment à la mise en œuvre des thématiques, la formalisation d’un plan d’action plus concret, plus détaillé et la définition des modalités de suivi de cette convention. Affaire à suivre…