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Frédérique Deghelt veut changer le regard sur le handicap

PORTRAIT. Romancière et mère d’un enfant différent, Frédérique Deghelt s’est lancé le défi d’améliorer la représentation du handicap. A travers une série de portraits et de photos réalisés par Astrid di Crollalanza, elle le traite sans langue de bois.

 

Frédérique Deghelt est en voiture avec son fils Jim, atteint d’une malformation du cortex cérébral. Ce dernier lui dit :
« J'étais normal dans ton ventre et tu as attrapé une maladie.
— C'est quoi être normal ? lui demande-t-elle, un peu surprise
— C'est être beau et ne pas baver ! »


L’écrivaine garde un souvenir intact de cette discussion. « Etant la mère d’un enfant différent, je me suis aussi aperçue qu’il y avait une sorte de tabou autour du handicap », concède-t-elle. Elle décide alors de proposer à la photographe Astrid Di Crollalanza, un projet textes-photos autour de personnes atteintes d’un handicap. C’est ainsi que le projet artistique « Etre beau » est né.

Les deux femmes partent alors à la rencontre de 18 personnes afin de capturer leur singularité : accidentés de la vie, personnes de petite taille, handicapés moteurs, mentaux… « Jim a été le premier à être photographié par Astrid, sous l’eau et même sur un trampoline, raconte sa mère. Astrid voulait avant tout photographier une personne, pas un handicap. Et elle a réussi ! »

 

Voir la personne et non sa différence

Ce désir de mettre en lumière des personnes atteintes de handicap, l’écrivaine l’avait déjà exprimé dans son livre Libertango*, où elle raconte la vie d’un chef d’orchestre handicapé. « A la suite de ce roman, j’ai eu énormément de retours. Beaucoup racontaient ne pas savoir comment se comporter avec un autre différent de soi. » C’est cette peur de l’autre qu’elle souhaite mettre à mal.

Dans le cadre de son projet, Frédérique Deghelt a par exemple rencontré un greffé du visage. « Mon premier ressenti a été de me dire "il a une tête bizarre", se souvient cette adepte du franc-parler. Je l’écris dans le livre pour montrer que je pars d’un ressenti et que cinq minutes après c’est fini, parce que je le connais. Je le vois, lui, et plus sa différence. »
 

« Le handicap fait partie de la vie »

Naturellement curieuse et bienveillante, Frédérique Deghelt a pu apprendre beaucoup à travers son parcours personnel et professionnel. Elle retient avant tout que « le handicap fait partie de la vie. Tout ce qui touche aux fragilités du corps est un apprentissage des limites de l’homme en tant qu’être humain ».

C’est aussi pour elle une richesse infinie. Son fils Jim, par exemple, perçoit aisément les émotions des autres. Laetitia, une jeune femme aveugle qu’elle a rencontrée, ressent l’atmosphère des lieux. Sur l’une des photos d’Astrid Di Crollalanza, on peut aussi voir Nicolas, posant fièrement avec sa main bionique. Ce dernier s’est découvert une passion pour la fabrication de prothèses adaptées.

Frédérique Deghelt conclut : « J’explique souvent à mon fils à quel point j’ai appris avec lui. Ce qu’il a amené à notre famille est immense. On se rend compte au quotidien à quel point la différence amène de la richesse. »

* Editions Actes Sud
 

Pour aller plus loin

Le site du projet artistique « Etre beau »

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