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Arnaud Assoumani, l’athlète au bras d’or

Crédits : Théo Saffroy

À un an des Jeux Paralympiques de Paris 2024, qui se dérouleront du 28 août au 8 septembre, Vies de Famille vous propose de découvrir le portrait de dix athlètes handisport inspirants.


Rien qu’au son de sa voix au téléphone, on peut percevoir son sourire communicatif. À 37 ans, Arnaud Assoumani est un homme enjoué. Ce qui ne l’empêche pas d’être quelqu’un de très sérieux, surtout lorsqu’il s’agit de parler de ses valeurs et des sujets qui lui tiennent à cœur. À un an des Jeux Paralympiques de Paris 2024, cet athlète multi-médaillé, spécialiste du saut en longueur, revient sur son parcours.


Petit, vous avez commencé le sport par la natation, le football, le basketball et le tennis de table. Qu’est-ce qui vous a mené vers l’athlétisme, en particulier le saut en longueur ?

 

Arnaud Assoumani. À l’âge de 5 ans, je regardais les Championnats du Monde d’Athlétisme Tokyo 1991 à la télévision, et je me souviens avoir été subjugué par des athlètes comme Mike Powell ou Carl Lewis. J’avais l’impression qu’ils s’envolaient et j’ai eu l’envie irrépressible de faire la même chose. Je me suis alors tourné vers mon père et je lui ai promis qu’un jour, moi aussi j’irai aux Jeux Olympiques ! En 1997, j’ai démarré l'athlétisme et essayé pour la première fois le saut en longueur en club à Angers. Très vite, le coach a repéré en moi des prédispositions pour cette discipline. J’ai même battu le record du club !


Vous dites souvent que votre handicap n’en est pas un. Que voulez-vous dire par là ?

 

A.A. Je suis né sans avant-bras gauche. Pour moi, cette condition est une normalité. Mais pour la société qui m’entoure, c’est un handicap. Pourtant, ce n’est pas tant l’absence d’avant-bras qui est un handicap, que l’environnement qui est inadapté, ainsi que le regard des autres vis-à-vis de notre différence. La plupart des gens associent le handicap à l’invalidité, la déficience, l’être diminué. C’est assez déshumanisant et ce n’est pas la vision que j’ai de moi-même. Je considère que je réalise bien plus de choses que des personnes « valides » ! Finalement, toutes ces étiquettes ne disent pas grand-chose de la personnalité et des capacités de chacun. L’être humain à de telles facultés d’adaptation que l’on finit souvent par se dépasser.


Deux médailles d’or aux Championnats d’Europe 2003, une médaille d’or aux Championnats du Monde 2006 et 2011 et une médaille d’or aux Jeux Paralympiques 2008, ce qui vous vaudra d’être décoré Chevalier de la Légion d’honneur. Votre parcours sportif est exemplaire ! Qu’est-ce que ces performances disent de vous ?

 

A.A. Ce ne sont pas tant mes performances que le cheminement pour y arriver qui en dit long sur ma personnalité. Quand on est athlète de haut niveau, on doit comprendre son sport pour qu’il ait du sens, se comprendre soi-même aussi, et bien sûr, comprendre des disciplines aussi variées et complexes que la biomécanique, qui étudie les mouvements des athlètes, la physique, les forces impliquées et les améliorations possibles pour optimiser leurs actions, ou encore la nutrition, le sommeil et les neurosciences. Il faut avoir cette approche un peu holistique pour s’améliorer en tant qu'athlète et en tant que personne. Pour moi, le plus important, ce ne sont pas les médailles, mais tout le travail qui est mis en œuvre pour y arriver. Je ne retiens que les moments partagés et les impacts positifs que peuvent avoir nos actions et nos prises de parole sur l’évolution du regard porté sur le handicap et la différence.


Quels sont vos prochains grands défis sportifs ? Comment vous y préparez-vous ?

 

A.A. J’ai repris l’entraînement au Creps de Montpellier, où je m'entraîne depuis deux ans avec mon entraîneur Jocelyn Piat et toute une équipe soudée. Les prochaines échéances sont les Championnats du Monde d’Athlétisme Kobe 2024 en mai, puis les Jeux Paralympiques de Paris 2024. L'objectif est de gagner à Kobe et à Paris, d'être porte-drapeau de l'équipe de France et d’offrir un beau spectacle au public. Je suis hyper excité !


Sportif de haut niveau, vous êtes aussi un homme très engagé. Pouvez-vous nous en dire plus ?

 

A.A. Très tôt dans ma carrière, j’ai donné naturellement de mon temps au club pour aider à l’encadrement, la transmission et l’apprentissage des plus jeunes.

J'ai compris très vite que l’on pouvait utiliser le sport et également la culture comme moyen d’éducation. C’est pourquoi, depuis 2015, je suis engagé bénévolement aux côtés de Play International, une Ong dédiée à l’innovation sociale par le sport. Elle se sert du sport auprès des enfants et des adolescents comme moyen d'éducation et de lien social en travaillant sur des valeurs de solidarité, d'égalité, de mixité, et en œuvrant pour plus d'inclusion.

Aujourd’hui, je fais partie du jury du fonds de dotation Impact & Héritage de Paris 2024, dont l’ambition est de laisser un héritage positive social, sociétal et environnemental grâce à l'opportunité que représente l'organisation de ces Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.

Je travaille aussi sur d'autres thématiques, en particulier le sport, la culture et l'innovation, notamment avec « Bras d’Or, Bras d’Art », un projet de création artistique qui a pour but de questionner le rapport au corps et à la différence, et de diffuser des valeurs d’égalité dans notre société.


Comment voyez-vous l’inclusion des enfants en situation de handicap dans le sport aujourd’hui ?

 

A.A. Si l’on a du retard en France dans ce domaine, de plus en plus de clubs sont formés pour devenir para-accueillants. Les Jeux Paralympiques de Paris 2024 sont une formidable opportunité de donner une plus grande visibilité à ces clubs et de continuer à former les animateurs pour rendre le sport accessible au plus grand nombre. De manière plus large, ces Jeux Paralympiques doivent permettre de donner un coup de boost à l'accessibilité de manière générale pour les transports, les hébergements, les écoles et les universités, ainsi que le monde du travail. L'enjeu est énorme !


Ancien étudiant à Sciences Po Paris, vous avez également étudié le cinéma et la musique. Vous voyez-vous faire une carrière artistique dans 5 ou 10 ans ?

 

A.A. J’aimerais avant tout continuer mes missions de conseil sur les thèmes de l’égalité, de l’inclusion, de l’environnement, de l’écologie, du bien-être et de la prévention santé. À côté de cela, je suis un passionné de musique : j’écris, je compose et je chante. J’aimerai pouvoir y consacrer plus de temps. Pourquoi ne pas faire de la réalisation aussi. Tout cela se fera au gré de mes rencontres et des opportunités qui se présenteront à moi. Ce qui va être fondamental dans mon avenir, ce sera d’essayer de générer le plus d’impact positif sur la société.


Linda Taormina